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et bleutée, la moiteur des grèves perle aux rideaux et aux draps du Verger ; on ouvre les persiennes toutes grandes sur la nuit, sur le linon neigeux que les étoiles du nord tendent dans l’azur pour bercer le sommeil des hommes.

Le lendemain, Mimi a refusé de monter dans le canot de Maurice et de Noël.

Vendredi, Jacques dit au revoir à ses amis. Monsieur Legendre lui a remis de l’argent pour acheter, en passant à Québec, deux exemplaires de Menaud : un pour Madame Legendre et un pour Ado.

Et maintenant, Jacques retourne au Verger. Il a trop escompté de cette fugue. Sa souffrance, celle du premier matin au lac, celle qui ne l’a pas quitté et qui n’a rien de vague, court devant lui comme la blessure d’un soldat qui redescend du front vers les cités.

À l’île, il a retrouvé la solitude du lac des Monts. Voilard est à l’hôtel pour la fin de semaine et Monsieur Beauchesne, qui prend ses vacances, voiture son monde sur les routes de la Gaspésie ; la Saulaie est fermée pour quinze jours. Jacques et Noël passent parfois près de la villa aux contrevents rouges, et ils s’entretiennent avec le jardinier des Beauchesne. Les épilobes, le long des clôtures, dressent des buissons de torches pourprées, et les jours s’accourcissent sur la pointe de l’île.