Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus un enfant. Sais-tu quel cadeau j’ai l’intention d’offrir à Monique ? La moitié de mes actions. Ton père s’est rebiffé à la seule idée de ce transfert.

— Je le comprends.

— Vous ne raisonnez pas juste. Il faut inspirer confiance à Voilard. Une association, c’est l’équilibre entre les parties. Ton père, moi, Guy et peut-être bientôt toi, ligués contre Lucien, vois-tu son impuissance ? Ce n’est plus un associé, c’est un employé. N’oublie pas que Lucien ne manifeste aucun emballement ; la fabrique, il le sait, ne tourne pas comme autrefois ; il a ouvert les livres. La fusion nous tire d’un mauvais pas.

L’oncle Paul y met tant d’assurance que Jacques hésite avant de reprendre :

— Ne serait-il pas préférable d’attendre quelques années avant de céder tes droits ? Si Voilard profite de notre faiblesse et prend barre sur nous…

— Nous, nous ! Le clan, mon cher ! Comme ton père ; dès que vous sortez du Verger, au premier détour de la haie, vous n’attendez qu’un coup de matraque.

Voilà une réponse de l’oncle Paul. Quand on le presse sur certaines questions, l’oncle Paul rechigne, il piétine de ses gros pieds des sentiments qu’il connaît mal. À la fabrique, il soutient les réclamations du dernier des talonniers ; s’agit-il de la famille, il se cabre comme s’il s’exposait à un népotisme avilissant.

Jacques revoyait Lucien assis auprès de lui, aunant des yeux les champs de fraises et de betteraves, les érablières, les pâturages, les granges et les écuries. Lucien établissait le coût d’exploitation, il songeait à la main-d’œuvre, aux livres bien tenus qui indiquent