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LE VERGER

de la petitesse de chacun et par suite ne pas se surprendre de celle d’un particulier. Mépriser toute chose pour n’être affecté d’aucune, s’accommoder au mieux de toutes les situations. Cette idée n’a rien de dérisoire et elle ne conduit pas nécessairement au cynisme ; je l’ai pratiquée moi-même ; je me suis préparé de la sorte des surprises agréables et j’ai acquis une grande compréhension de l’homme. Excuse-moi de te parler si peu de toi. Pourquoi ne pas écouter Duhamel, et ne pas comprendre ce que peut avoir de fatuité celui qui cherche à intéresser un autre à ses petites, bien petites misères ? Ces misères sont tout de même notre vie, mon cher Jacques. »

Cher Maurice ! Combien meilleur qu’il le disait ! Il avait ceci d’original, qu’il était, dans son mécontentement, plus cruel pour lui-même que pour les autres. Des amis de Jacques, Maurice était celui qui lui ressemblait le moins, celui qu’il préférait.

Un post-scriptum apprenait à Jacques que Pierre Morand était sorti de chez les Bénédictins et s’était inscrit à la faculté de Droit. Au peu de trouble que lui causa cette nouvelle, le jeune homme jugea que sa vocation à lui, s’il en avait une, greffée un instant sur l’aventure de Pierre avait pris racine. Mais jusqu’où ?

Le lendemain, la visite de Noël produisit son effet : une euphorie que Jacques assimilait à l’innocence originelle. Le Père Préfet lui remit le Grand Meaulnes. En séparant les feuillets, Jacques découvrit une lettre de Louise. Candeur de petite fille qui aurait pu coûter cher ! Cette lettre, il la lut, la relut avec imprudence,