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André, qui roupille à l’arrière, n’entend pas les mots décisifs. Lorsqu’ils tournent le coin de la rue Laurier, Monique regarde André :

— Écoute, mon petit, il faut être brave !

André ne répond pas.

Une couronne de fleurs est appendue à la porte qui s’ouvre d’elle-même ; un individu marqué de petite vérole est déjà en faction. Des torchères diffusent une lumière crème dans ce monde artificiel et fermé que sont devenus le vestibule et le salon ; un chemin de molleton violet mène jusqu’à la chambre mortuaire, et des portières lourdes dissimulent les gonds des battants enlevés. On a étranglé les timbres, et les bruits de la maison meurent au seuil des portes closes ; des visiteurs se relèvent et jettent un coup d’œil hâtif sur le cercueil ouvert, des hommes d’affaires en route pour le bureau.

Monique a disparu. Les deux frères s’avancent, timides, et s’agenouillent à distance. Monsieur Richard repose dans le décor un peu austère qu’il a aimé. Ce gentilhomme qui ne regardait pas à la dépense et qui avait, au plus aigu de la crise, hypothéqué ses propriétés et coupé son train de vie pour maintenir ses garçons aux études, ne tolérait rien de cossu autour de lui, et réprouvait, à l’égal d’une trahison, la pensée que sa vie fût un succès où il pût sans remords s’installer avec les siens.

André s’approche pour contempler son père. Jacques tourne la première poignée qui lui tombe sous la main ; c’est le cabinet de Monsieur Richard.

Un cabaret chargé de bouteilles et de carafes était posé sur l’abattant du secrétaire. Voilard, le dos