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plus qu’un bond vers l’infini, et l’imperceptible dissonance, qui accompagne ou suit les plus hautes joies, résonnait aux oreilles de Jacques comme l’appel d’un Amour et marquait la frontière d’un Royaume inconnu.

Le soliste réexposa le thème du début et l’orchestre apposa le point final.

Jacques et sa mère se frayèrent un chemin vers la sortie. Le jeune homme entendait Madame Richard dire :

— Bonsoir Madame Beauchesne, bonsoir Louise, Estelle…

Jacques leva la tête. Louise, dans l’ivresse du concert, se penchait vers ses amis, les yeux embués. Jacques salua sans perdre du regard celle qu’il reconnaissait à peine ; la vigueur de l’âge, de la santé et de la joie chez la jeune fille, l’âme de Jacques après quelques mois de séparation, conféraient à Louise une beauté qu’il ne lui avait encore jamais vue, pas même aux heures les plus enivrantes de l’absence.



Jacques fouilla dans son sac de voyage et sortit son journal. Les dernières lignes racontaient la rupture avec Saint-Denis, puis s’égaraient en des marigots sinueux où Jacques, pour se prouver sa virtuosité dans la fièvre et la complication, se fourvoyait avec frénésie. Il écrivait lentement : « Aller plus souvent à Beethoven ; cette musique-là m’empêchera de vieillir quand on voudra me détourner de la joie. À l’issue