Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

menu, comme autant de secondes diluées et fixées par la plume d’un analyste sans pardon.

Qui donc, dans la salle, pressé doucement par le musicien, exprimait une réponse identique à celle de Jacques ? Puis le jeune homme retombait court, doutait de lui et se déprisait : Je me prête des richesses que je ne possède pas. Il regarda autour de lui. On ne voyait plus le soliste. Et pourtant, qu’il eût été facile à LeBlanc d’abaisser des mesures complètes au niveau d’une sensation vulgaire et d’exploiter à son profit la gloire de Beethoven. Mais LeBlanc ignore ces petitesses ; LeBlanc n’appuyait pas et on lui en savait gré.

Madame Richard tenait son âme ouverte sur un au-delà de bonheur et, pour quelques instants, on ne lisait sur son visage aucune préoccupation domestique, rien autre chose que sa vie redevenue sereine comme le Verger endormi. « Pour maman, les réserves de mystère sont moindres. » À la maison, le soir, après six heures, lorsque la vieille Marie donnait la dernière main au dessert sous les yeux gourmands du benjamin, et que la demeure, astiquée de la cave au grenier, respirait paisiblement dans l’attente du maître, Madame Richard, dans le fauteuil grenat de sa chambre, lisait à reculons, comme disait la vieille Marie, et pendant de longs quarts d’heure, une page de l’Imitation qu’il trouvait lui, squelettique. Ces trésors cachés étaient enviables.

Le larghetto, à ce moment même, lui suggérait des réflexions amères. L’allure du mouvement lui paraissait dénuée d’intérêt et l’orchestration sans résonance, et il imputait cette banalité de la musique