Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un gros monsieur, après son repas, réoccupait l’embourrure de son fauteuil ; repu, la satisfaction engourdie dans la couperose flasque de ses joues, il revenait digérer dans sa bauge. André, pour la dixième fois, se dirige vers la fontaine ; au retour, il demandera : « Viens-tu souper, Jacques ? » Manger tard afin que le voyage soit plus court.

On pourrait au demeurant concevoir un appel général. Il suffisait d’avoir lu attentivement, une fois, l’histoire du jeune homme riche. Mais quel motif Jacques avait-il de penser à soi en lisant la parabole du jeune homme riche ? Il avait, lui, Jacques Richard, moins de raisons que d’autres de demander : « Que dois-je faire pour être parfait ? » et de prétendre à l’héroïsme. Il n’était que le fils médiocre d’une famille bourgeoise ; il était aux prises avec le péché ; et il aimait une jeune fille, et si les zones de pureté s’étaient dilatées en lui depuis quelque temps, il le devait à Louise : n’était-ce pas le signe d’une vocation aussi ?

Cette rêvasserie avait quelque chose de morbide ; elle irritait à la longue. Pourquoi se lancer sur des foulées qui ramenaient infailliblement au même carrefour ? Il n’y verrait jamais clair. Un jour, il irait en retraite à la Trappe, il s’ouvrirait entièrement à un homme de Dieu, et celui-ci dirait à Jacques : « Faites ceci », et Jacques le ferait. Très simple cette solution, trop simple. Jacques trouve peu digne d’un homme cette manière de s’engager pour la vie et pour l’éternité. La vocation, c’est un peu comme la foi, il faut y mettre du sien. Surseoir aux vacances. Rien ne presse, au bout du compte.