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d’un mouvement de tête elle lui désignait un coin de table où il s’installait avec sa nourriture : une bonne miche de pain, un peu de charcuterie ou bien un « plat du jour ». Lecouvreur fournissait boisson et couvert.

Le vieux Charles sortait de sa poche un couteau à cran d’arrêt et commençait à manger. Sur le pouce, comme il disait, se servant de ses doigts plus que de la fourchette. À chaque repas, il vidait sa chopine. Lorsqu’il avait fini, il se curait les dents avec la pointe de son couteau ou bien, une vieille habitude campagnarde, il ramassait les miettes de pain éparses sur la table, et les fourrait dans sa poche. Il admirait ses mains ornées de bagues de cuivre achetées à des camelots. Il fredonnait en se tortillant sur la banquette.

On lui demandait d’en « pousser une ». Il se croyait un talent de tragédien, et ne se faisait pas prier. Planté au milieu de la boutique, il commençait déjà à rouler des yeux et lever les bras, quand Louise intervenait.

— Dites donc, on n’est pas à Charenton !

— Laissez-le, patronne, disaient des voix.

— Qu’il aille faire ses singeries chez Latouche !