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mouchoir à carreaux et s’essuyait le front en répétant :

— Quelle trotte, bon Dieu, quelle trotte !

Louise lui servait, comme autrefois, un petit bordeaux rouge et le laissait rêvasser devant son verre.

Il buvait de temps en temps une gorgée. Tassé sur lui-même, les bras pendants, il regardait les flacons bariolés qui s’alignaient derrière le comptoir. « Encore de nouveaux apéritifs, » se disait-il. La boutique était pleine de clients, quelques jeunes gens débitaient des blagues. Toujours le même remue-ménage ! Seulement, lui, il ne connaissait plus personne. Dagot, Kenel, Maltaverne, Mimar, tous les manilleurs avaient quitté l’hôtel. Le mois dernier, par hasard, il avait revu Julot qui était monté en grade. Achille était mort ; et Ramillon, le « merlan »…

Louise l’arrachait à sa rêverie.

— À table !

Elle avait préparé un bon repas. Le père Deborger s’asseyait près du poêle, à côté de Badour, nouait sa serviette autour de son cou, posait ses vieilles mains sur la table et regardait le patron découper la viande. Louise lui tendait le plat. Il se servait, cas-