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Jeanne balbutiait de reconnaissance. Ces robes ! à elle !

— Tu vas pouvoir te faire belle pour tes amoureux, reprit Denise. Tu as bien un chéri dans l’hôtel, hein ?… Dis-moi son nom.

— Chartron.

— Le boxeur ! Hé, tu aimes les beaux gars, ma petite… Vous couchez ensemble ?

— Non, répondit Jeanne, gênée.

— Ah… pourquoi ?

— Je ne sais pas.

Jeanne emporta ses robes, s’enferma dans sa chambre, se déshabilla vite et les essaya une à une ; il y en avait trois, de couleurs criardes, surchargées de fanfreluches. Elle tournait devant la glace, prenait les mêmes poses que sa grande amie, imitait ses gestes, ses clignements d’yeux. Elle ne s’était jamais trouvée si jolie ! Elle remit ses vêtements de tous les jours à contre-cœur.

Les paroles de Denise lui bourdonnaient aux oreilles. Coucher avec Chartron… Elle ferma les yeux. Un autre homme que Cisterino ! Mais autant le colonial s’était montré entreprenant, autant Chartron lui parlait avec indifférence. « Il ne m’aime pas, pensait-elle. Sa froideur la désespérait. Elle rêvait de