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Mimar descendait prendre son « jus » dans la boutique et elle ne le revoyait pas jusqu’à trois heures. Il avait accepté de faire une « manoche », rien qu’une ! Lucie se mettait à la fenêtre, suivait des yeux les couples qui se promenaient le long du canal. Quand Mimar, enfin, remontait : « Pierre, proposait-elle, nous devrions aller faire un tour nous aussi. »

Ils n’allaient jamais bien loin. Ils longeaient le quai de Jemmapes. Le soleil couchant dorait les tas de sable, les sacs de ciment, les montagnes de meulière. Ils arrivaient place Jean-Jaurès, s’accoudaient à une balustrade et contemplaient l’eau. Lucie avait retrouvé sa gaieté. « Pierre, tu te souviens, chez nous, la Meuse est plus claire… »

Il enfonçait les mains dans ses poches. « Viens. » S’ils rencontraient un copain, la promenade finissait au café.

Ces soirs-là, en rentrant, Lucie déclarait : — Nous devrions aller une journée à la campagne.

— Penses-tu, se récriait Pierre, on a trop de mal à joindre les deux bouts.

Lucie se taisait. Mais un jour, elle insista :

— Pierre, écoute… je t’en prie… ça me ferait