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son petit déjeuner, en bas, dans la boutique.

D’une voix mal assurée, elle demandait à Lecouvreur un café-crème qu’elle buvait sans lever la tête. À chaque instant, la porte s’ouvrait sur de nouveaux clients que le patron accueillait avec un mot jovial. Un courant de sympathie existait entre tous ces êtres et Julie, sans bien s’en rendre compte, souffrait davantage de sa solitude. Louise, qui estimait les deux sœurs, lui disait quelques mots aimables. Elle lui répondait par un sourire ; gauchement accoudée au comptoir, elle regardait son image dans la glace. Son verre vidé, pensive, elle quittait la boutique.

Un matin, Marcel s’installa à côté d’elle. C’était un des camionneurs de Latouche, un gars entreprenant, bavard, la poitrine bien moulée dans un jersey de sport.

« Un jus, patron… Vous avez toujours de jolies filles dans votre tôle, » souffla-t-il, en coulant un regard vers sa voisine. Julie devint écarlate. Elle avala de travers son morceau de brioche.

— Ça passe pas ? demanda Marcel.

— Si, répondit-elle, les paupières baissées. Elle gardait son mouchoir sur la bouche pour se donner une contenance.