Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Puis, le visage dur, la main levée, prête à gifler. « Le dîner est prêt, Paul ? »

Paul risque un mensonge, mais sa mère va dans la cuisine. « Viens donc voir ici ! Je t’avais dit d’acheter trois bistecks. Qu’est-ce que c’est que ça ? » Elle lui flanque une taloche. « Propre à rien ! »

Elle bâcle le dîner : côtelettes, œufs sur le plat, toujours le même ordinaire, et ils se mettent à table. Ils mangent sans prononcer une parole, leurs visages aux mâchoires remuantes penchés sur leurs assiettes.

« Paul, descends acheter un litre, » commande la mère Chardonnereau. Elle attend que son fils soit parti et sort un paquet de sa poche. « Regarde ça, le vieux, dit-elle, en tendant une chemise de soie. Je l’ai ramassée sous le lit de Mme Leclerc. » Une grimace crispe son visage osseux. « C’est-y pas malheureux de laisser traîner du linge comme ça ! »

— Tu vas lui rendre ? dit Chardonnereau.

— T’es fou, toi ! Gabriel, j’ai pas raison de la garder cette chemise ?

— Et comment, répond le fils. Les patrons…

Il crache par terre, avec mépris. Ils se regardent tous les trois sans mot dire. La mère