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Il ne restait que les feignants, les rentiers, ou un vieillard impotent comme le père Deborger.

« On s’en va, mais on vous laisse le merlan et la merlande, » criaient les ouvriers en claquant la porte.

Les Ramillon, en effet, demeuraient accoudés au comptoir. Un drôle de ménage, Ramillon était garçon coiffeur, sa femme modiste.

Avec sa barbiche en fer à cheval, ses moustaches de chat, ses pommettes couperosées, ses commandements rauques dans la voix, le merlan faisait penser à un sous-off’ ; comme un vieux militaire, il portait, sous son veston d’alpaga, une ceinture de flanelle rouge. Mme Ramillon n’était pas belle. Son visage était criblé de petite vérole et ses traits creusés par l’alcool ; elle louchait, un tic lui tordait la bouche. Toujours vêtue d’un manteau garni de fourrure élimée ; elle ne mettait pas de chapeau. « Y me tiennent pas sur le crâne », disait-elle.

Les Ramillon habitaient un vieil immeuble, rue Bichat. Sans enfants ; leur fille était partie avec un imprimeur. Mais ils possédaient un chat, un vieux matou dont ils tiraient grande fierté.