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divine évêque du Puy, et frère de Simon Le Franc, a refusé de faire l’oraison de madame la dauphine, pour laquelle l’archevêque de Reims l’avait fait nommer, par quelques raisons d’intrigue qu’on ignore. Jean-George a senti qu’il m’y ferait pas bon pour lui, que ceux qu’il a appelés mauvais chrétiens pourraient bien lui prouver qu’il est encore plus mauvais orateur. Le parlement vient d’ordonner aux évêques de s’en retourner chacun chez eux, parce qu’ils tenaient, dit-on, des assemblées secrètes. On ne sait ce qu’il en arrivera ; mais, pendant qu’on se bâtira, la raison aura peut-être quelques moments pour respirer. Adieu, mon cher maître ; on m’a assuré que les Scythes avaient bien réussi aux deux dernières représentations : recevez-en mes compliments. Vale et me ama.

Savez-vous que Rousseau a une pension de 2400 fr. du roi d’Angleterre ? Un honnête homme ne l’aurait pas obtenue.


Paris, 4 mai 1767.


Gens inimica mihi Tyrrhenum navigat æquor,
Ilium in Italiam portans victosque penates.


Voilà, mon cher et illustre philosophe, ce que disait l’autre jour des jésuites d’Espagne un abbé italien qui, comme vous voyez, les aime tendrement, attendu qu’ils ont empêché son oncle d’être cardinal. Et vous, mon cher maître, que dites-vous de cette singulière aventure ? ne pensez-vous pas que la Société se précipite vers sa ruine ? ne pensez-vous pas qu’elle travaille depuis longtemps à mériter ce qui lui arrive aujourd’hui, et qu’elle recueille ce qu’elle a semé ? Mais croyez-vous tout ce qu’on dit à ce sujet ? croyez-vous à la lettre de M. d’Ossun, lue en plein conseil, et qui marque que les jésuites avaient formé le complot d’assassiner, le jeudi-saint, bon jour bonne œuvre, le roi d’Espagne et toute la famille royale ? ne croyez-vous pas comme moi qu’ils sont bien assez méchants, mais non pas assez fous pour cela ? et ne désirez-vous pas que cette nouvelle soit tirée au clair ? Mais que dites-vous de l’édit du roi d’Espagne qui les chasse si brusquement ? persuadé comme moi qu’il a eu pour cela de très bonnes raisons, ne pensez-vous pas qu’il aurait bien fait de les dire et de ne les pas renfermer dans son cœur royal ? ne pensez-vous pas qu’on devrait permettre aux jésuites de se justifier, surtout quand on doit être sûr qu’ils ne le peuvent pas ? ne pensez-vous point encore qu’il serait très injuste de les faire tous mourir de faim, si un seul frère coupe-chou s’avise d’écrire bien ou mal en leur faveur ? Que dites-