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RÉFLEXIONS

coup plus dangereuse qu’ailleurs. Daniel Bernoulli estime qu’à Baie le nombre de ceux qui meurent de la petite vérole est tout au plus la douzième partie de ceux qui en sont attaqués, et tout au plus la vingtième partie de ceux qui meurent. Cette supposition même pourrait bien être encore trop forte, s’il est vrai, comme le dit ce grand géomètre en un autre endroit du même écrit, que, dans des épidémies assez malignes de la petite vérole, il en meurt à peine 1 sur 20 dans cette même ville. Dans d’autres villes plus petites, autrement situées, et surtout à la campagne, le danger paraît encore moindre, et par conséquent le besoin de l’inoculation est diminué d’autant. Il est vrai, et c’est une sorte de compensation, que vraisemblablement dans ces endroits-là l’inoculation sera encore moins dangereuse que dans les grandes villes, en même proportion que la petite vérole l’est moins.

Ajoutons qu’il y a des lieux où la petite vérole est non-seulement beaucoup moins redoutable, mais beaucoup moins fréquente qu’ailleurs ; et il est évident que plus elle sera rare, moins la nécessité de l’inoculation deviendra pressante, surtout dans l’hypothèse que cette opération puisse causer la mort.

§ VIII. Ce quon devrait faire pour constater la vérité ou la fausseté des faits en cette matière.

Quand nous avançons ces faits, sur le danger plus ou moins grand de mourir de la petite vérole suivant les lieux, c’est d’après des garans dont l’autorité peut être de quelque poids en cette matière. Un médecin partisan de l’inoculation avance dans ses Recherches sur l’histoire de la médecine, imprimées depuis peu, page 571, que la petite vérole n’est nullement redoutée dans les provinces méridionales de la France, et qu’on n’y prend même aucune précaution pour se préserver de cette maladie ; ce médecin (Razoux) va jusqu’à prétendre qu’en général on a beaucoup grossi dans les grandes villes le nombre des victimes de la petite vérole ; qu’on a trop abusé de la crainte des peuples ; que les bons sujets, c’est-à-dire, les personnes saines et bien constituées, sont presque assurés de se tirer heureusement de cette maladie. Je ne prétends point décider si ce médecin a tort ou raison ; je dois même avouer que, suivant d’autres médecins, la petite vérole est souvent très-meurtrière dans les provinces méridionales, et qu’on fait mention, entre autres, d’une épidémie assez récente oli il périt à Montpellier la moitié des malades. Mais je tire de là deux conséquences importantes ; la première, que les partisans de l’inoculation ne sont pas assez d’accord