Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
SUR LA CAUSE

la ligne par où passe le soleil ou la lune ; toutes ses parties accourront, si on peut s’exprimer ainsi, pour s’approcher de ces points, avec d’autant plus de vitesse qu’elles en seront plus proches. Transformons maintenant le fluide dont il s’agit en notre atmosphère ; il est évident que ce flux ou ce transport de ses parties produira ce que nous appelons du vent.

On peut expliquer par là, pour le dire en passant, comment l’élévation et l’abaissement des eaux de la mer se fait aux mêmes instans dans les points opposés d’un même méridien. Quoique ce phénomène soit une conséquence nécessaire du système de Newton, et que ce grand géomètre l’ait même expressément remarqué, cependant les Cartésiens soutiennent, depuis un demi-siècle, que si l’attraction produisait le flux et reflux, les eaux de l’Océan, lorsqu’elles s’élèvent dans notre hémisphère, devraient s’abaisser dans l’hémisphère opposé. La preuve simple et facile que je viens de donner du contraire, sans figure et sans calcul, anéantira peut-être enfin pour toujours une objection aussi frivole, qui est pourtant une des principales de cette secte contre la théorie de la gravitation universelle.

Les mouvemens de l’air et de l’Océan, au moins ceux qui nous sont sensibles, ne proviennent donc point de l’action totale du soleil et de la lune, mais de la différence qu’il y a entre l’action de ces astres sur le centre de la terre, et leur action sur le fluide tant supérieur qu’inférieur ; c’est cette différence que j’appellerai dans toute la suite de ce discours, action solaire ou lunaire. Newton nous a appris à calculer chacune de ces deux forces, et à les comparer avec la pesanteur. Il a démontré par la théorie des forces centrifuges, et par la comparaison entre le mouvement annuel de la terre et son mouvement diurne, que l’action solaire était à la pesanteur, environ comme 1 à 128682000 : à l’égard de l’action lunaire, il ne l’a pas aussi exactement déterminée, parce qu’elle dépend de la masse de la lune, qui n’est pas encore suffisamment connue ; cependant, fondé sur quelques observations des marées, il suppose l’action lunaire environ quadruple de celle du soleil. Si on peut espérer de la connaître plus parfaitement, c’est sans doute en perfectionnant la théorie du mouvement de la lune ; et je crois qu’il ne sera pas impossible de parvenir à cette découverte par une méthode fort simple, pourvu que les observations qui serviront d’élémens soient assez exactes. Mais ce n’est pas ici le lieu de m’étendre là-dessus[1].

  1. Voici en peu de mots l’idée de cette méthode. Pour trouver l’orbite apparente que la lune décrit autour de la terre, il faut non-seulement avoir égard à l’action de la terre et du soleil sur la lune, il faut encore faire atten-