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DES FLUIDES.

notre Dynamique pour déterminer le mouvement d’un système de corps qui agissent les uns sur les autres, est de regarder la vitesse avec laquelle chaque corps tend à se mouvoir comme composée de deux autres vitesses, dont l’une est détruite, et l’autre ne nuit point au mouvement des corps adjacens. Pour appliquer cette méthode à la question dont il s’agit ici, nous devons examiner d’abord quels doivent être les mouvemens des particules du fluide, pour que ces particules ne se nuisent point les unes aux autres. Or l’expérience, de concert avec la théorie, nous fait connaître que quand un fluide s’écoule d’un vase, sa surface supérieure demeure toujours sensiblement horizontale ; d’où l’on peut conclure que la vitesse de tous les points d’une même tranche horizontale, estimée suivant le sens vertical, est la même dans tous ces points, et que cette vitesse, qui est, à proprement parler, la vitesse de la tranche, doit être en raison inverse de la largeur de cette même tranche, pour qu’elle ne nuise point au mouvement des autres. Par ce principe combiné avec le principe général, j’ai réduit fort aisément aux lois de l’hydrostatique ordinaire les problèmes qui ont pour objet le mouvement des fluides, comme j’avais réduit les questions de dynamique aux lois de l’équilibre des corps solides.

Il me paraît inutile de démontrer ici fort au long le peu de solidité d’un principe employé autrefois par presque tous les auteurs d’hydraulique, et dont plusieurs se servent encore aujourd’hui pour déterminer le mouvement d’un fluide qui sort d’un vase. Selon ces auteurs, le fluide qui s’échappe à chaque instant est pressé par le poids de toute la colonne de fluide dont il est la base. Cette proposition est évidemment fausse, lorsque le fluide coule dans un tuyau cylindrique entièrement ouvert et sans aucun fond. Car la liqueur y descend alors comme ferait une masse solide et pesante, sans que ses parties, qui se meuvent toutes avec une égale vitesse, exercent les unes sur les autres aucune action. Si le fluide sort du tuyau par une ouverture faite au fond, alors la partie qui s’échappe à chaque instant, peut à la vérité souffrir quelque pression par l’action oblique et latérale de la colonne qui appuie sur le fond ; mais comment prouvera-t-on que cette pression est précisément égale au poids de la colonne du fluide qui aurait l’ouverture du fond pour base ?

Je ne m’arrêterai point non plus à faire voir ici dans un grand détail, avec quelle facilité on déduit de mes principes la solution de plusieurs problèmes fort difficiles qui ont rapport à la matière que je traite, comme la pression des fluides contre les