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DE PHILOSOPHIE.

que les autres, ce qui jette dans de nouvelles absurdités. Que signifie donc cette proposition, que la mesure d’un parallélogramme rectangle est le produit de sa base par sa hauteur ? Elle signifie que si on suppose la base divisée en un certain nombre de parties égales, par exemple de pouces ou de lignes, et la hauteur en un certain nombre des mêmes parties égales, c’est-à-dire de pouces ou de lignes, le rapport du parallélogramme rectangle au carré de chacune de ses parties, sera égal au rapport que le produit des deux nombres de division de la base et de la hauteur aura avec l’unité. Par exemple, supposons la base divisée en 100 lignes ou pouces, et la hauteur en 25 ; le produit de ces deux nombres, qui est 2500, c’est-à-dire le rapport de ce nombre à l’unité, exprimera le rapport du parallélogramme rectangle au carré fait d’une ligne ou d’un pouce ; ce parallélogramme contenant en effet 2500 petits carrés d’un pouce ou d’une ligue. Ainsi, dire qu’un parallélogramme est le produit de sa base par sa hauteur, c’est une manière abrégée d’exprimer la proposition que nous venons d’énoncer, et dont renonciation rigoureuse et développée aurait demandé trop d’étendue et de circonlocution. Dans les sciences on peut se servir utilement de ces sortes d’expressions abrégées, quoique peu exactes en elles-mêmes : je dis plus ; on a besoin, pour ne point trop fatiguer l’esprit, de s’en servir souvent, pourvu qu’on ait soin de bien fixer le sens précis qui doit y être attaché. C’est par malheur ce qu’on ne fait pas toujours, et ce qui peut quelquefois être reproché aux géomètres même.

Il est aisé de conclure de cet exemple et de plusieurs autres qu’on pourrait y joindre, que le mot de niesiirc en mathématique renferme l’idée, d’un rapport implicitement exprimé. Or il est certains rapports qui offrent plus de difficultés que les autres, soit pour en présenter la notion d’une manière bien nette, soit pour les démontrer d’une manière rigoureuse : ce sont les rapports des quantités incommensurables. On dit, par exemple, que la diagonale du carré esta son côté comme la racine carrée de 2 est à 1 ; pour avoir une idée bien nette de la vérité que cette proposition exprime, il faut d’abord remarquer qu’il n’y a point de racine carrée du nombre 2, ni par conséquent de rapport proprement dit entre cette racine et l’unité, ni par conséquent de rapport proprement dit entre la diagonale et le côté d’un carré, ni par conséquent enfin, d’égalité entre ces rapports, puisqu’il n’y a point proprement d’égalité entre des rapports qui n’existent pas. Mais il faut remarquer, en même temps, que si on ne peut trouver un nombre qui multiplié par lui-même produise 2, on peut trouver des