Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/321

Cette page n’a pas encore été corrigée
281
DE PHILOSOPHIE.

jours le même pour quelque angle que ce soit ; et on appellera angle l’espace terminé par cet arc de cercle ; par ce moyen on viendra à bout de démontrer avec précision et clarté toutes les propositions qui concernent les angles. Remarquons en passant que la mesure des angles par les arcs de cercle décrits de leuv sommet, est fondée sur l’uniformité du cercle, qui fait que toutes ses parties sont semblables et toujours disposées de la même manière par rapport aux rayons qui y aboutissent ; cette uniformité, qui se prouve par le principe de la superposition, est un point sur lequel on n’appuie peut-être pas assez dans les élémens ordinaires, et qui est pourtant le principe fondamental de la théorie des angles.

Au reste, la définition de l’angle qu’on vient de donner suppose que les deux côtés de cet angle soient des lignes droites, et non une ligne droite et une ligne courbe, comme seraient un arc de cercle et sa tangente. Ce dernier angle, si on peut lui donner ce nom, a été le sujet d’une grande dispute entre les géomètres, pour savoir s’il était comparable ou non à l’angle rectiligne, c’est-à-dire, formé par des lignes droites. Il est aisé de voir que ce n’est absolument qu’une question de nom. Tout dépend de l’idée qu’on attache en cette occasion au mot angle. Si on entend par ce mot une portion finie de l’espace compris entre la courbe et sa tangente, il n’est pas douteux que cet espace ne soit comparable à une portion finie de celui qui est renfermé par deux lignes droites qui se coupent. Si on veut y attacher l’idée ordinaire de l’angle formé par deux lignes droites, on trouvera, pour peu qu’on y réfléchisse, que cette idée prise absolument et sans modification, ne peut convenir à l’angle de contingence, parce que dans l’angle de contingence une des lignes qui le forme est courbe. Il faudra donc donner pour cet angle une définition particulière ; et cette définition, qui est arbitraire, étant une fois bien fixée, il ne pourra plus y avoir de difficulté sur la question dont il s’agit. Une bonne preuve que cette question est purement de nom, c’est que les géomètres sont d’ailleurs entièrement d’accord sur toutes les propriétés qu’ils démontrent de l’angle de contingence ; qu’entre un cercle et sa tangente on ne peut faire passer de lignes droites ; qu’on y peut faire passer une infinité de lignes circulaires, et ainsi du reste. Il en est à peu près de la querelle sur l’angle de contingence, comme de la fameuse question des forces vives, où l’on ne dispute que faute de s’entendre[1], et oii tout le monde est d’accord sur le fond, en différant dans les termes r et c’est à peu près ce qu’on doit

  1. Voyez l’article de la Mécanique, p. 299.