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ÉLOGE.

Grange et Euler, sur la discontinuité des fonctions arbitraires qui entrent dans les intégrales des équations aux différences partielles : question plus importante, et sur laquelle leurs ouvrages ont répandu plus de lumière.

Les premiers principes du mouvement, comme la loi du levier, celle de la décomposions des forces, paraissent d’une vérité si naturelle, si palpable, qu’il faut déjà de la sagacité pour sentir qu’elles ont besoin d’être prouvées, et que la démonstration rigoureuse en est difficile ; d’Alembert l’a cherchée avec succès dans la théorie générale des fonctions analytiques : c’est sans doute un spectacle bien intéressant pour les philosophes, de voir, dans les objets soumis au calcul, des questions très-compliquées, résolues avec facilité et d’un trait de plume ; tandis que les vérités, en apparence les plus simples, exigent un appareil singulier de preuves établies sur des théories savantes dont on n’avait pas encore la première idée, longtemps après que ces vérités, déjà découvertes et admises par tous les savans, étaient devenues d’un usage universel et commun.

C’est dans les opuscules mathématiques de d’Alembert, que l’on trouve, et ses travaux sur la théorie des lunettes acromatiques, et ses recherches sur plusieurs points d’optique ; il y démontre la fausseté de l’hypothèse où l’on ne suppose dans la lumière solaire que sept rayons différemment réfrangibles, quoique le spectre allongé par le prisme reste continu ; il y remarque que nous rapportons les objets, non à leur vraie direction, mais à celle du rayon qui, perpendiculaire au fond de l’œil, exerce sur cet organe une force plus grande.

Le calcul des probabilités occupe une partie imposante de ces opuscules ; et si ce calcul s’appuie un jour sur des bases plus certaines, c’est à d’Alembert que nous en aurons l’obligation.

Il expose dans ses recherches, comment, si de deux événemens contraires l’un est arrivé un certain nombre de fois de suite, on peut, en cherchant la probabilité que l’un de ces deux événemens arrivera plutôt que l’autre, ou la trouver égale pour les deux événemens, ou la supposer plus grande, soit en faveur de celui qu’on a déjà obtenu, soit en faveur de l’événement contraire : il fait voir que ces conclusions opposées entre elles, sont la conséquence de trois méthodes de raisonner qui paraissent également justes, également naturelles.

Il examine la règle qui prescrit de faire les avantages en raison inverse des probabilités, et montre combien, dans une foule d’exemples, les conclusions déduites de ce principe, semblent en contradiction avec celles où le simple bon sens aurait conduit ; il prouve que les moyens employés par plusieurs géomètres pour détruire cette contradiction, ont été insuffisans ; lui-même en propose de nouveaux, mais il a soin d’en remarquer également les difficultés et les exceptions.

Dans l’application de ce calcul à l’inoculation, d’Alembert fait sentir que, s’il est facile de prouver combien cette opération est utile pour la société en général, le calcul de l’avantage dont elle peut être pour chaque particulier, exige d’autres principes : en effet, il s’agit pour chacun de s’exposer à un risque certain et présent, pour éviter un risque plus grand, mais éloigné et incertain ; et cette circonstance