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ÉLOGE.

et les solstices répondent, dans la même période, à toutes les parties du zodiaque : ce phénomène, connu sous le nom de précession des équinoxes, a été observé par les anciens ; Hipparque en avait supposé la période de 25200, et les modernes, par des observations plus exactes, l’ont fixée à environ 720 ans de plus. Ce mouvement en longitude n’est pas le seul qu’éprouve l’axe de la terre ; il en a un autre en latitude, bien plus petit, qui n’est qu’une espèce de balancement, et dont la période est de dix-huit seulement ; cette nutation n’a été découverte que dans ce siècle par Bradley, et jusqu’à lui on la confondait avec les mouvemens irréguliers, propres aux étoiles fixes. Newton attribuait avec raison la précession des équinoxes à l’effet de l’attraction de la lune et du soleil sur la terre ; il savait que notre planète est un sphéroïde aplati vers les pôles, et que ces deux astres étant mus dans des plans où ils n’agissent pas d’une manière semblable sur les parties semblablement disposées autour de l’axe de la terre, doivent altérer son mouvement de rotation ; mais ce n’était pas assez. Newton avait appris le premier aux philosophes à n’admettre pour vraies que des explications calculées, qui rendent raison du phénomène en lui-même, de sa quantité et de ses lois ; aussi essaya-t-il de déterminer l’effet de l’attraction de la lune et du soleil sur le mouvement de l’axe de la terre ; mais les méthodes d’analyse et les principes mêmes de mécanique nécessaires pour une solution directe, manquaient à son génie, et il fut obligé d’admettre des hypothèses qui ne le conduisirent à un résultat conforme à l’observation, que par la compensation des erreurs produites par chacune d’elles : vingt-trois ans après sa mort, cette limite qu’il semblait avoir posée, n’avait pas été franchie ; d’Alembert en eut la gloire, il expliqua également le phénomène de la nutation, nouvellement découvert, et répara l’honneur de la France, ou plutôt du continent, qui jusqu’alors n’avait eu rien à opposer aux découvertes de Newton.

Un seul géomètre, Euler, eût pu disputer cette gloire à d’Alembert ; mais en donnant une solution nouvelle du problème, il avoua qu’il avait lu l’ouvrage de d’Alembert, et fit cet aveu avec cette noble franchise d’un grand homme qui sent qu’il peut, sans rien perdre de sa renommée, convenir du triomphe de son rival.

En 1752, d’Alembert publia un traité sur la résistance des fluides, auquel il donna le titre modeste d’essai, et qui est un de ses ouvrages où l’on trouve le plus de choses originales et neuves.

La simple supposition que chaque élément de la masse fluide, en changeant de forme à chaque instant, conserve le même volume, lui suffit pour appliquer son principe aux questions les plus difficiles, et il est conduit à des équations de la nature de celles dont sa nouvelle analyse peut donner la solution : les réflexions sur les causes générales des vents contenaient le germe de ces découvertes ; mais ici elles sont développées, et la théorie du mouvement des fluides est enfin véritablement assujétie au calcul.

À la même époque, d’Alembert avait donné, dans les mémoires de l’académie de Berlin, des recherches sur le calcul intégral, où la méthode de Jean Bernoulli, pour les fonctions rationnelles, était per-