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Parfois enfin, l’évocation successive des réminiscences s’enchaîne uniquement par des similitudes de formes sensibles, ce qui est d’ailleurs une sorte d’abstraction capable d’enfanter les composés les plus étranges. Sans l’appliquer aux songes, Granville avait eu le sentiment de ces mutations capricieuses, quand son crayon nous montrait une série graduée de silhouettes commençant par celle d’une danseuse et finissant par celle d’une bobine aux mouvements furieux.

Ce dernier phénomène a lieu surtout durant les instants de grande passivité morale, alors que l’âme, recueillie comme au fond d’une tribune, semble considérer avec distraction la série des images plus ou moins nettes qui défilent devant elle.

On voit que selon la manière dont elle se produit et se combine, la seule évocation des souvenirs emmagasinés dans les arcanes de la mémoire suffit pour amener les rêves en apparence les plus étonnants. Encore n’ai-je parlé jusqu’ici que du rêve où les idées s’enchaînent et se déroulent d’elles-mêmes, sans qu’aucune cause physique, interne ni externe, n’en vienne compliquer, interrompre ou modifier le cours ; éventualité qui se présentera rarement, tant seront fréquents au contraire les petits accidents de toute sorte, qui surgissant les uns en dehors de nous-mêmes (bruits, chaleur, contact, etc.), les autres dans notre propre