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Je suis en tenue de bal, je vais évidemment assister à une grande fête ; je considère mon habit, je m’aperçois qu’il est sali par une mousse étrange. Je lève les yeux ; j’ai devant moi l’image d’une femme aimée, mais vieillie de vingt anset recouverte d’habits monastiques. Tandis que le" salon se remplit d’une foule élégamment parée, je remarque que le lustre vient de s’éteindre ; mais je reconnais en même temps qu’il me suffit de regarder les bougies une à une pour qu’elles se rallument instantanément. L’incendie se déclare bientôt partout où mes regards se portent. Les robes des plus charmantes femmes semblent se consumer sous mon regard comme l’amadou sous la lentille. Les cendres tombent, et ce sont d’affreux squelettes, ou des momies violacées, ou des monstres rongés d’ulcères qu’elles laissent apparaître au lieu de corps ravissants. La tête seule reste charmante, et me lance des regards douloureusement courroucés. Ce qui ne s’allume pas prend sous mes yeux les formes les plus fantasques et les plus déraisonnables ; un canapé s’allonge et devient une échelle démesurée. Je veux fuir ; l’escalier se change en un puits béant. Je m’échappe pourtant de ce lieu maudit ; je saute dans une de ces voitures à portières entr’ouvertes que j’avais déjà remarquées, et dont je brave cette fois la destination mystérieuse, tant j’ai hâte de m’éloigner. Je m’assois ; la voiture part. Horreur ! elle est inondée de sang. Je veux descendre, il est trop tard ; nous courons avec une rapidité impossible. Où vais-je ? je l’ignore ; j’entrevois seulement sur la route mille choses affreusement indécises, qui m’inspirent une profonde terreur. Je m’imagine entendre dans l’espace la voix d’un ami que j’ai entraîné sans m’en douter à une perle inévitable, et qui me jette en mourant sa malédiction. J’aurais voulu mourir moi-même pour sortir de cet abîme de pensées cruelles ; mais une voix me