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passé trop rapidement pour qu’il en puisse demeurer une trace bien marquée ? on n’obtiendra du cliché que de vagues silhouettes, des ombres indécises, et des traits confus.

La mémoire a d’ailleurs sur l’appareil photographique cette merveilleuse supériorité qu’ont les forces de la nature de renouveler elles-mêmes leurs moyens d’action. Sa glace est toujours prête à retenir (avec le plus ou moins de netteté qui résulte du temps et des circonstances) tout ce qui vient à s’y réfléchir. Pour chacun de nous il en est, enfin, de ces immenses casiers, où tant de souvenirs s’accumulent, comme il en est pour le photographe des armoires profondes où s’amoncèle la collection de ses clichés. Il est tel de ces clichés que vous pourriez montrer parfois à l’opérateur lui-même sans qu’il le reconnaisse, ni qu’il s’en souvienne, alors qu’un laps de plusieurs années en a fait passer des milliers d’autres sous ses yeux. Combien il nous serait plus difficile encore de connaître tout ce que peuvent renfermer les insondables profondeurs de la mémoire où les clichés-souvenirs s’emmagasinent à l’infini, à tous les instants de notre vie, et la plupart du temps à notre insu. Autre chose est posséder, autre chose est savoir que l’on possède. Autre chose est se souvenir, autre chose est savoir que l’on se souvient.