Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

naturel, et peut-être comprendrons-nous mieux ensuite toutes les modifications exceptionnelles qu’un état morbide pourra lui imprimer. Ma résistance à demander l’explication de nos rêves au jeu des fibres cérébrales ne va pas assurément jusqu’à me faire oublier cette intime solidarité de l’âme et de la matière, dont notre cerveau renferme le mystère. J’insiste seulement pour que, dans notre impuissance à pénétrer les lois de cette union secrète, nous recherchions le comment plutôt que le pourquoi de ce qui se passe en nous.

Comme exemple de ces rêves d’une vivacité extrême, durant lesquels les forces actives de l’imagination déploient toute leur énergie, et qu’il se plaît à nommer hallucinations, Moreau (de la Sarthe) cite ce rêve fameux du compositeur Tartini, auteur d’une sonate célèbre connue sous le nom de Sonate du diable. Le maestro s’étant endormi, fortement préoccupé de la composition d’une sonate, cette préoccupation le suivit dans le sommeil ; au moment où il se croyait, en rêve, livré de nouveau à son travail et désespéré de son peu d’inspiration, il vit tout à coup le diable lui apparaître, saisir son violon et jouer la sonate tant désirée avec un charme inexprimable d’exécution. Il se réveilla dans le transport de sa joie et nota immédiatement, de mémoire, le morceau qu’il avait terminé en croyant l’entendre.