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peut-être devant les tribunaux ; car, voyez-vous, de pareilles infamies rendent féroces, et j’en suis arrivé aujourd’hui à demander du sang pour y laver l’injure que l’on m’a faite. Je ne sais pas si mon caractère a changé, mais ce qu’il y a de certain, c’est que mes idées sont singulièrement modifiées. D’abord, le nom seul de Napoléon me fait horreur, et il ne me reste du souvenir de cette dynastie que l’affection que je portais à la femme qui, elle du moins, s’est conduite avec cœur et honneur jusqu’à ces derniers jours. Je me jetterais aujourd’hui dans les bras des Rochefort, des Flourens, des Dorian, n’importe qui, pourvu qu’il me donnât un fusil, qu’il pût me dire : « Frappez, frappez ! Vengez-vous ! » Aujourd’hui j’en suis arrivé presque à comprendre les massacres de 92, les horreurs de la Révolution, et j’ai regretté hautement, à Metz, ne pas voir arriver les anciens commissaires de la Convention aux armées, qui faisaient tomber les têtes des généraux et ne leur laissaient d’autre alternative que de vaincre ou de mourir !… Faut-il que j’aie passé par d’assez horribles épreuves pour en arriver là ! Le pensez-vous, vous qui m’avez pu si bien connaitre, dans des temps meilleurs et déjà si loin ?

Mais je ne parle que de moi, pardon ; c’est que je suis dans une telle exaspération, je gémis tellement chaque jour de la position que cet infâme nous a faite, qu’il m’est impossible de m’en distraire absolument.


Cette lettre souleva un tollé général dans notre chère et malheureuse armée, prisonnière en Allemagne. Nombre d’officiers, s’honorant, à juste titre, de porter l’épaulette française, adressèrent des lettres de protestation, tant au directeur de l’Indépendance belge qu’à d’autres journaux.