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triste spectacle ? Mais, hélas ! il y avait une chose que je n’avais pas prévue, et que la Providence réservait comme un dernier châtiment de notre orgueil et de notre décrépitude morale : c’était la trahison !

Eh bien, cette douleur-là ne nous a pas même été épargnée, et nous avons assisté au honteux spectacle d’un maréchal de France, voulant faire de sa honte le marche-pied de sa grandeur, de notre infamie la base de sa dictature ; livrant ses soldats sans armes, comme un troupeau qu’on mène à l’abattoir, et qu’on remet au boucher ; donnant ses armes, ses canons, ses drapeaux, pour sauver sa caisse et son argenterie ; oubliant à la fois tous ses devoirs d’homme, de général, de Français, et se sauvant furtivement, au petit jour, pour échapper aux insultes qui l’attendaient, ou peut-être à la fureur qui l’aurait frappé… Voilà ce que j’ai vu pendant deux longs mois ; voilà ce que j’ai dit haut, à tel point qu’il m’a menacé de me faire arrêter ainsi que mon ami S… ; mais il n’en a même pas eu le courage, il m’a refusé cette satisfaction !

Nous avons assisté à une trame ourdie de longue main, dont les fils ont été aussi multiples que les motifs, et cet homme a obéi à des pensées si diverses, qu’on en est à se demander aujourd’hui, s’il n’était pas tombé dans cette imbécillité qui semblait être devenue l’apanage de cette honteuse dynastie et de ses créatures.

Il a d’abord trahi l’Empereur pour rester seul, et se faire gloire à lui-même ; puis il a manqué à ses devoirs de soldat, en ne voulant pas aller au secours de l’armée qui marchait sur Sedan, par haine de Mac-Mahon, et pour ne pas servir à un accroissement d’illustration pour celui qu’il appelait son rival. La catastrophe arrive, le trône est renversé, et il allait se rallier à la République, quand Trochu apparait, avec la grande position que la situation lui avait faite ; il ne