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toujours impugné (234) le vide ; et cependant, quoiqu’il fût Épicurien, afin d’avoir l’honneur de donner un principe aux principes d’Épicure, c’est-à-dire aux atomes, il a établi pour commencement des choses un chaos de matière tout à fait solide, que Dieu divisa en un nombre innombrable de petits carreaux, à chacun desquels il imprima des mouvemens opposés. Or il veut que ces cubes, en se froissant l’un contre l’autre, se soient égrugés en parcelles de toutes sortes de figures. Mais comment peut-il concevoir que ces pièces carrées aient commencé de tourner séparément, sans avouer qu’il s’est fait du vide entre leurs angles ? Ne s’en rencontroit-il pas nécessairement dans les espaces que les angles de ces carreaux étoient contraints d’abandonner pour se mouvoir ? Et puis ces carreaux qui n’occupoient qu’une certaine étendue, avant que de tourner, peuvent-ils s’être mus en cercle, qu’ils n’en aient occupé dans leur circonférence encore une fois autant ? La Géométrie nous enseigne que cela ne se peut ; donc la moitié de cette espace a dû nécessairement demeurer vide, puisqu’il n’y avoit point encore d’atomes pour la remplir. »

Mon Philosophe me répondit que M. Descartes nous rendroit raison de cela lui-même, et qu’étant né aussi obligeant que Philosophe, il seroit assurément ravi de trouver en ce monde un homme mortel pour l’éclaircir de cent doutes que la surprise de la Mort l’avoit contraint de laisser à la Terre qu’il venoit de quitter ; qu’il ne crovoit pas qu’il eût grande difficulté à y répondre, suivant ses principes, que je navois examinés qu’autant que la foiblesse de mon esprit me le pouvoit permettre (235) ; « parce, disoit-il, que les ouvrages de ce grand homme sont si pleins et si subtils, qu’il faut une attention pour les entendre qui demande l’âme d’un vrai et consommé Philosophe. Ce qui fait qu’il n’y a pas un