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manière d’aller me divertirait beaucoup avec une voiture plus solide que la mienne ; mais à chaque tour de roue, je crois sentir notre équipage tomber en pièces, nous cassons si souvent que mes appréhensions ne sont que trop justifiées. Sans mon valet de chambre italien qui me sert de charron et de serrurier, nous serions déjà restés en chemin ; cependant j’admire l’air de nonchalance avec lequel nos cochers prennent possession de leur siége. Ils s’asseyent de côté avec une grâce non apprise et bien préférable à l’élégance étudiée des cochers civilisés. Quand la route descend, ils se dressent tout à coup sur leurs pieds et mènent debout, le corps légèrement arqué, les bras et les huit rênes tendus. Dans cette attitude de bas-relief antique, on les prendrait pour des cochers du cirque. On fend l’air, des nuages de poussière semblables à l’écume des flots bouillonnant sous un navire marquent le passage des chevaux sur la terre qu’ils effleurent à peine. Alors les ressorts anglais font éprouver à la caisse de la voiture un balancement semblable à celui d’une barque emportée par un vent furieux, mais dont la violence serait neutralisée par des courants contraires ; dans le choc des éléments, on sent le char près de s’effondrer : cependant il fuit dans la carrière ; on croit relire Pindare, on croit rêver, car cette foudroyante rapidité ne paraît possible qu’à l’imagination ; il s’établit alors je