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vage et l’air indépendant n’étaient pas faits pour me rassurer. L’enfant expérimenté se gardait bien d’essayer de les arrêter, au contraire, les défiant à la course, il les lançait ventre à terre et la voiture suivait comme elle pouvait. Ce manége, plus d’accord avec le tempérament de l’animal qu’avec celui de l’équipage, durait tout le temps du relais ; seulement au bout d’une verste, les rôles étaient changés, alors c’était le cocher toujours plus impatient qui pressait l’attelage essoufflé ; à peine les chevaux paraissaient-ils vouloir ralentir leur course que l’homme les fouettait jusqu’à ce qu’ils eussent repris leur premier train ; l’émulation qui s’établit facilement entre quatre chevaux courageux, menés de front, nous faisait conserver une extrême vitesse jusqu’au bout du relais. Ces ardents animaux courant tous quatre l’un à côté de l’autre, s’efforçaient de se devancer tout le temps du relais, ils mourraient plutôt qu’ils ne renonceraient à la lutte. En appréciant le caractère de cette race de chevaux et en voyant le parti que les hommes en tirent, je reconnus bientôt que le mot que j’avais appris à prononcer avec tant de soin, le mot tischné, ne servirait à rien dans ce voyage, et que même, je m’exposerais à des accidents, si je m’obstinais à ralentir le train ordinaire des postillons. Les Russes ont le don et le talent de l’équilibre ; hommes et chevaux perdraient leur aplomb au petit trot ; leur