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postillons me font perdre haleine ; alors convaincu de l’inutilité de mes instances, je me tais et je ferme les yeux pour éviter le vertige. Au reste, parmi tant de

    tuelles que j’aie connues ; elle était en même temps l’une des plus dignes d’inspirer, comme des plus capables d’éprouver une amitié véritable. Elle savait à la fois diriger hardiment, et doucement embellir la vie de ses amis ; sa raison courageuse lui inspirait les conseils les plus sages, son cœur lui dictait les résolutions les plus nobles, les plus fortes ; et la gaieté de son esprit rendait l’existence facile aux plus malheureux ; comment désespérer de l’avenir quand on rit du présent ?
      C’était un caractère sérieux, un esprit léger, piquant, aussi prompt à la réplique qu’indépendant dans ses aperçus ; esprit plein de ressort, esprit imprévu comme les circonstances qui provoquaient ses saillies ; esprit toujours prêt à répondre au besoin qu’on avait de lui, et qu’il avait de lui-même, car ses reparties étaient parfois une défense terrible.
      Ennemie éclairée de toute affectation, elle compatissait à la faiblesse ; elle usait avec discernement des armes que lui fournissait sa pénétration naturelle ; équitable jusque dans ses plaisanteries, juste même dans ses vivacités, elle ne frappait que sur les ridicules évitables ; douée d’un jugement droit et en même temps exempte de toute pédanterie, elle rectifiait les préjugés des autres avec une adresse d’autant plus efficace qu’elle était mieux cachée ; sans la sincérité du sentiment qui la guidait dans ce travail bienfaisant, on aurait pris son habile instinct, son goût sûr et délicat pour de l’art, tant elle réussissait à corriger les défauts, et même à redresser les torts sans blesser les personnes ! Mais cet art était de l’a bonté. Sa finesse ne lui a jamais servi qu’à réaliser les désirs bienveillants de son cœur.
      Lorsqu’elle croyait de son devoir d’éclairer la raison d’un ami, elle disait des vérités sévères sans irriter l’amour-propre, car sa