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LETTRE VINGT-TROISIÈME.
À MADAME LA COMTESSE O’DONNELL[1].
Klin, petite ville à quelques lieues de Moscou, ce 6 août 1839.

Encore un temps d’arrêt et toujours pour la même cause ! nous cassons régulièrement toutes les vingt lieues. Certes l’officier russe de Pomerania était un gettatore !

Il y a des moments où, malgré mes réclamations et l’usage réitéré du mot tischnė (doucement), les

  1. Milan, ce 1er janvier 1842.

      Trois années ne se sont pas encore écoulées depuis le jour que cette lettre fut écrite, et madame la comtesse O’Donnell, à qui elle était adressée, n’existe plus ; à peine arrivée jusqu’au milieu de la vie, elle est morte, quasi subitement, sans presque avoir été malade, sans pouvoir préparer sa famille, ses amis, à la douleur de la perdre.
      Nous qui comptions sur ses soins ingénieux pour nous consoler dans les inévitables chagrins de la vieillesse, faut-il que nous l’ayons vue, jeune encore, aimée, entourée, nous devancer sur cette pente que nous descendrons vieux et délaissés en regrettant à chaque pas l’appui que nous promettait son cœur généreux, son charmant esprit ?
      Hélas ! sans craindre désormais de la compromettre en lui adressant mes jugements sur le singulier pays que je décris, je mets ici son nom à l’abri du tombeau. Aussi ce nom paraîtra-t-il seul, cette fois, parmi les lettres que je publierai.
      C’est celui d’une des femmes les plus aimables, les plus spiri-