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souliers et de pantoufles : il y a bien là de quoi vous persuader que vous êtes ensorcelé.

Ce qu’il y avait de pis, c’est que les voyageuses étaient suivies d’un train considérable. Ce peuple de valets, hommes et femmes, affublés de vieux habits plus dégoûtants que ceux de leurs maîtresses, allant, venant, faisant un bruit infernal, complétaient l’illusion d’une scène du sabbat. Tout cela criait, courait çà et là ; on buvait, on mangeait, on engloutissait les vivres avec une avidité capable d’ôter l’appétit à l’homme le plus affamé. Cependant ces dames n’oubliaient pas de se plaindre avec affectation devant moi de la malpropreté de la maison de poste, comme si elles eussent eu le droit de remarquer de la négligence quelque part ; je me croyais tombé au milieu d’une halte de Bohémiennes, si ce n’est que les Bohémiennes n’ont pas de prétentions.

Moi qui me pique de n’être pas difficile en voyage, je trouve les maisons de poste établies sur cette route par le gouvernement, c’est-à-dire par l’Empereur, assez confortables ; j’y ai fait presque bonne chère ; on y pourrait même coucher pourvu qu’on se passât de lit : vous le savez, ce peuple nomade ne connaît que le tapis de Perse ou de peau de mouton, ou même de natte étendue sur un divan, et sous une tente, tente de bois, de plâtre ou de toile : c’est toujours un souvenir du bivouac ; l’usage du coucher comme meu-