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mais j’ai déjà trop d’expérience pour risquer d’y dormir ; je n’ose même pas m’y asseoir ; dans les auberges russes, sans excepter les plus recherchées, les meubles de bois à coussins rembourrés sont autant de ruches où fourmille et pullule la vermine.

Je porte avec moi mon lit, qui est un chef-d’œuvre d’industrie russe. Si je casse encore une fois d’ici à Moscou, j’aurai le temps de profiter de ce meuble, et de m’applaudir de ma précaution ; mais à moins d’accident on n’a pas besoin de s’arrêter entre Pétersbourg et Moscou. La route est belle, et il n’y a rien à voir : il faut donc être forcé à descendre de voiture pour interrompre le voyage.


(Suite de la même lettre.)
Yedrova entre Novgorod-la-Grande et Valdaï, ce 4 août 1839.

Il n’y a pas de distances en Russie : c’est ce que disent les Russes, et ce que tous les voyageurs sont convenus de répéter. J’avais adopté comme les autres ce jugement tout fait ; mais l’incommode expérience me force de dire précisément le contraire. Tout est distance en Russie : il n’y a pas autre chose dans ces plaines vides à perte de vue ; deux ou trois points intéressants sont séparés les uns des autres par des espaces immenses. Ces intervalles sont des déserts sans beautés pittoresques : la route de poste détruit