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cilier l’homme avec la vie sociale, quelque prix qu’elle coûte ; ils lui inspirent la patience par des joies innocentes, et lui font supporter tout pourvu qu’on lui permette de se livrer sans trouble à des occupations qui toutes ont de secrètes analogies avec sa nature.

Le pays que j’ai parcouru jusqu’ici est une mauvaise forêt marécageuse où l’on ne découvre à perte de vue que de petits bouleaux avortés et de misérables pins clair-semés dans une plaine stérile. On ne voit ni campagne cultivée, ni bois touffus et productifs ; l’œil ne se repose que sur de maigres champs ou sur des forêts dévastées. Le bétail est ce qui rapporte le plus ; mais il est chétif et de mauvaise qualité. Ici le climat opprime les bêtes comme le despotisme tyrannise l’homme. On dirait que la nature et la société luttent d’efforts pour y rendre la vie difficile. Quand on pense aux données physiques d’où il a fallu partir pour organiser une telle société, on n’a plus le droit de s’étonner de rien, si ce n’est de trouver la civilisation matérielle aussi avancée qu’elle l’est chez un peuple si peu favorisé par la nature.

Serait-il vrai qu’il y eût dans l’unité des idées et dans la fixité des choses des compensations à l’oppression même la plus révoltante ? Quant à moi je ne le pense pas, mais s’il m’était prouvé que ce régime fût le seul sous lequel pouvait se fonder et se soutenir l’Empire russe, je répondrais par une simple ques-