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vient de me conduire à la maison de poste d’où je vous écris ceci, avait encouru au départ, je ne sais par quelle faute, une peine qu’il est plus habitué à subir que je ne le suis à la voir infligée par un homme à un autre homme. Celui-ci donc, tout jeune, on peut même dire tout enfant qu’il est, a été foulé aux pieds avant de me mener, et rudement frappé à coups de poing par son camarade, le chef de l’écurie. Les coups étaient forts, car je les entendais de loin retentir dans la poitrine du patient. Quand l’exécuteur des hautes œuvres, le justicier de la poste fut las de sa tâche, la victime se releva sans proférer une parole : essoufflé, tremblant, le malheureux rajuste sa chevelure, salue son supérieur, et, encouragé par le traitement qu’il vient de recevoir de lui, il monte légèrement sur mon siége, pour me faire faire au triple galop quatre lieues et demie ou cinq lieues en une heure. L’Empereur en fait sept. Les wagons du chemin de fer auraient de la peine à suivre sa voiture. Que d’hommes doivent être battus, que de chevaux doivent crever pour rendre possible une si étonnante vélocité, et cela pendant cent quatre-vingts lieues de suite !… On prétend que l’incroyable rapidité de ces voyages en voiture découverte nuit à la santé : peu de poitrines résistent à l’habitude de fendre l’air si rapidement. L’Empereur est constitué de manière à supporter tout, mais son fils, moins robuste, se ressent déjà