Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LETTRE VINGT-DEUXIÈME.


Pomerania, maison de poste à dix-huit lieues de Pétersbourg, ce 3 août 1839.

Voyager en poste sur la route de Pétersbourg à Moscou, c’est se donner pendant des jours entiers la sensation qu’on éprouvait lorsqu’on descendait les montagnes russes à Paris. On fait bien d’apporter une voiture anglaise à Pétersbourg, uniquement pour avoir le plaisir de parcourir sur des ressorts réellement élastiques (ceux des voitures russes ne le sont que de nom) cette fameuse route, la plus belle chaussée de l’Europe, au dire des Russes, et je crois des étrangers. Il faut convenir qu’elle est bien soignée, mais dure, à cause de la nature des matériaux qui, tout cassés qu’ils sont, et même en assez petits morceaux, s’incrustent dans le corps de la chaussée, où ils forment de petites aspérités immobiles, et secouent les boulons au point d’en faire sauter un ou deux par poste ; d’où il arrive qu’on perd au relais le temps qu’on a gagné sur la route, où l’on tourbillonne dans la poussière avec l’étourdissante rapidité d’un ouragan chassant les nuages devant lui. La voiture anglaise est bien agréable pour les premiers relais, mais à la longue on sent ici le besoin d’un équipage russe pour