Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je vais recueillir toutes les lettres que j’ai écrites pour vous depuis mon arrivée en Russie, et que vous n’avez pas reçues, car je les ai conservées par prudence ; j’y joindrai celle-ci, et j’en ferai un paquet bien cacheté que je déposerai en mains sûres, ce qui n’est pas chose facile à trouver à Pétersbourg. Puis je terminerai ma journée en vous écrivant une autre lettre, une lettre officielle qui partira demain par la poste ; toutes les personnes, toutes les choses que je vois ici seront louées à outrance dans cette lettre. Vous y verrez que j’admire ce pays sans restriction avec tout ce qui s’y trouve et tout ce qui s’y fait… Ce qu’il y a de plaisant, c’est que je suis persuadé que la police russe et que vous-même vous serez également les dupes de mon enthousiasme de commande et de mes éloges sans discernement ni restrictions[1].

    les jambes cassées et l’autre la mâchoire fracassée : ils les aident à se replacer sous la potence, leur rattachent la corde au cou ; mais, tandis que le troisième condamné resté intact, subit la même opération, cet infortuné rassemble ses forces et, avec une rage héroïque, il s’écrie de manière à se faire entendre malgré le tambour : « Malheureux pays où l’on ne sait pas même pendre ! » Il avait été l’âme de la conspiration et il s’appelait Pestel.
      Cette énergie du vaincu et cette barbarie du pouvoir triomphant, voilà toute la Russie ! Pour compléter le tableau, il faut dire qu’à la suite de cette scène, M. de Tchernicheff fut créé comte et nommé ministre de la guerre.

  1. Je pensais, non sans fondement, que ces flatteries circonstan-