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celles que vous venez de lire : mais elles sont et resteront ignorées : il a fallu un concours de circonstances que je regarde comme providentiel pour me révéler les faits et les détails que ma conscience me force à consigner ici[1]

    politique et juridique qu’on appelle l’ordre social en Russie, sur la vie civile, sur l’esprit, les opinions et les mœurs des Russes que tout ce que j’essaierais de vous développer dans des volumes de réflexions.

  1. Depuis que la première édition de ce livre a paru, une personne attachée à l’ambassade de France lors de la mort de l’Empereur Alexandre, m’a raconté le trait suivant dont elle a été un des témoins :
      Après l’émeute de son avénement au trône, l’Empereur Nicolas condamna à mort les cinq principaux chefs du complot (voyez la brochure de M. Tolstoï, sur la législation russe, au chapitre ci-dessus cité : Abolition de la peine de mort) ; il fut décidé qu’on les pendrait à deux heures du matin sur le glacis de la citadelle, au bord d’un fossé profond de vingt-cinq pieds. Les patients furent placés au-dessous de la potence sur un banc élevé de quelques pieds. Tous les apprêts du supplice terminés, le comte de Tchernicheff, chargé par son maître de présider à l’exécution, commença son office de chef des bourreaux en donnant le signal convenu ; le tambour bat et le banc est retiré de dessous les pieds des criminels : à l’instant trois des cordes cassent, deux des victimes délivrées tombent au fond du fossé, la troisième s’arrête sur la berge… Les personnes qui avaient pu assister à cette lugubre scène, s’émeuvent, leurs cœurs battent de joie et de reconnaissance en pensant que l’Empereur a pris ce moyen pour accorder les droits de l’humanité avec les devoirs de la politique. Mais le comte de Tchernicheff fait continuer le roulement des tambours, les exécuteurs des hautes œuvres descendent dans le fossé, ramassent deux des victimes, dont l’une avait