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ce modèle des épouses ;… oui, tous devraient tomber à ses pieds en chantant ses louanges ; on la glorifierait devant les saints ; on n’ose la nommer devant l’Empereur !!… Pourquoi règne-t-on, si ce n’est pour faire justice à tous les genres de mérite ? Quant à moi, si elle revenait dans le monde, j’irais la voir passer, et si je ne pouvais m’approcher d’elle et lui parler, je me contenterais de la plaindre, de l’envier, et de la suivre de loin comme on marche derrière une bannière sacrée.

Eh bien ! après quatorze ans de vengeance suivie sans relâche, mais non assouvie… Ah ! laissez éclater mon indignation : ménager les termes en racontant de tels faits ce serait trahir une cause sacrée ! Que les Russes réclament s’ils l’osent : j’aime mieux manquer de respect au despotisme qu’au malheur ; ils m’écraseront s’ils le peuvent, mais au moins l’Europe apprendra qu’un homme à qui soixante millions d’hommes ne cessent de dire qu’il est tout-puissant, se venge !… Oui, c’est le mot vengeance que je veux attacher à une telle justice !… Donc, après quatorze ans, cette femme ennoblie par tant d’héroïques misères, obtient de l’Empereur Nicolas, pour toute réponse, les paroles que vous allez lire, et que j’ai recueillies de la bouche même d’une personne à qui le courageux parent de la victime venait de les répéter : « Je suis étonné qu’on ose encore me parler… (deux fois en