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d’Orenbourg lui paraîtraient le paradis. Dans les derniers mots de sa lettre elle ne s’adresse plus à l’Empereur, elle oublie tout, excepté son mari ; c’est à la pensée de leur cœur qu’elle répond avec une délicatesse et une dignité qui mériteraient l’oubli du forfait le plus exécrable : et elle est innocente !… et le maître auquel elle s’adresse est tout-puissant, et il n’a que Dieu pour juge de ses actes !… « Je suis bien malheureuse, dit-elle, pourtant si c’était à refaire, je le ferais encore. »

Il s’est trouvé dans la famille de cette femme une personne assez courageuse, et quiconque connaît la Russie doit rendre hommage à cet acte de piété, une personne assez courageuse pour oser porter cette lettre à l’Empereur et même pour appuyer d’une humble supplication la requête d’une parente disgraciée. On n’en parle au maître qu’avec terreur comme on parlerait d’une criminelle ; cependant, devant tout autre homme que l’Empereur de Russie, on se glorifierait d’être allié à cette noble victime du devoir conjugal. Que dis-je ? il y a là bien plus que le devoir d’une femme, il y a l’enthousiasme d’un ange.

Néanmoins il faut compter pour rien tant d’héroïsme ; il faut trembler, demander grâce pour une vertu qui force les portes du ciel ; tandis que tous les époux, tous les fils, toutes les femmes, tous les humains devraient élever un monument en l’honneur de