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l’intérêt ; son teint presque toujours plombé, je parle des Russes du grand monde, — ou même cuivré, se refuse à laisser percer l’émotion ; sur ce front impassible comme un bronze, vous ne lisez jamais rien qui vienne du cœur, vous ne savez si l’homme qui vous parle vous aime ou s’il vous hait, si celui qui vous écoute le fait avec plaisir, ou s’il se moque de ce que vous lui dites ; sur ces traits totalement privés de mouvements involontaires, tantôt arrêtés et muets comme la mort, tantôt menteurs comme la peinture, je défie l’observateur le plus expert de pénétrer au delà de ce que l’homme qui les fait jouer vous montre ; or il ne vous montre jamais que ce qui suffit pour vous induire à douter de ce qu’il veut vous cacher, à douter même qu’il vous cache quelque chose. Il simule le bien, il dissimule le mal ; rien n’égale son art de feindre, si ce n’est celui par lequel il sait cacher ce qu’il feint ; et tout ce travail s’accomplit avec une grâce charmante ; chez lui, la douceur va jusqu’aux précautions superflues, comme un chat qui se garderait d’égratigner les souris qu’il mange.

Étonnez-vous, avec de tels talents naturels, que ce peuple ne cesse de fournir d’habiles diplomates du second ordre.

J’ai loué une voiture du pays pour aller à Nijni afin de ménager la mienne ; mais cette espèce de