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nière infâme le sort des condamnés politiques et contribue à fausser le jugement des peuples.

(Suite de la même lettre.)
Le même jour, à minuit.

Je reviens de Pétrowski, où j’ai vu la salle de danse qui est belle ; elle s’appelle, je crois, le Waux-Hall. Avant l’ouverture d’un bal qui m’a paru assez triste, on m’a fait entendre les bohémiens russes. Ce chant sauvage et passionné a quelques rapports éloignés avec celui des gitanos d’Espagne. Les mélodies du Nord sont moins voluptueuses, moins vives que les mélodies andalouses, mais elles produisent une impression de mélancolie plus profonde. Il y en a qui veulent être gaies, et elles ont plus de tristesse que les autres. Les bohémiens de Moscou chantent sans instruments des chœurs qui ont de l’originalité, mais quand on n’entend pas le sens des paroles de cette musique expressive et nationale, on perd beaucoup.

Duprez m’a dégoûté du chant qui ne rend l’idée que par des sons ; sa manière de phraser la musique et d’accentuer la parole pousse l’expression aussi loin qu’elle peut aller ; la force des sentiments est centuplée par ce chant passionné, et la pensée portée sur les ailes de la mélodie, atteint aux dernières