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d’optique de la grande mécanique à coulisses qu’on montre aux étrangers sous le nom de l’Empire russe. Et voilà où peuvent tomber la politique, la religion, la justice, l’humanité, la sainte vérité, chez une nation si pressée de monter sur le vieux théâtre du monde, qu’elle aime mieux n’être rien pour agir tout de suite, que de se préparer lentement dans une féconde obscurité à devenir quelque chose pour agir plus tard ! Les rayons du soleil mûrissent le fruit, mais ils brûlent la graine.

Je pars demain pour Nijni. Si je prolongeais mon séjour à Moscou, je ne pourrais plus voir cette foire dont le terme approche. Je ne finirai ma lettre que ce soir, en revenant de Pétrowski, où je vais entendre les bohémiens russes.

Je viens de choisir dans l’auberge une chambre que je garderai pendant mon absence, parce que je suis parvenu à m’y faire une cachette pour y déposer tous mes papiers, car je n’oserais m’aventurer sur le chemin de Kazan avec tout ce que j’ai écrit depuis mon départ de Pétersbourg ; et je ne connais personne ici à qui je voulusse confier ces dangereuses lettres. L’exactitude dans le récit des faits et l’indépendance dans les jugements, la vérité enfin, est ce qu’il y a de plus suspect en Russie ; c’est de cela qu’est peuplée la Sibérie… sans oublier pourtant le vol et l’assassinat, association qui aggrave d’une ma-