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institutions d’où la liberté russe pouvait naître, les deux chambres, ont été abolies par ce prince.

Dans tous les genres, dans les arts, dans les sciences, dans la politique, il n’y a de grands hommes que par comparaison. Voilà pourquoi il y eut tel pays où à certaine époque l’on fut grand homme à peu de frais. Le Czar Pierre est arrivé dans un de ces pays-là, non qu’il n’eût un caractère élevé et d’une force extraordinaire, mais son esprit minutieux bornait ses vues et ses volontés, Le mal qu’il a fait lui survit, car il a forcé ses héritiers de jouer la comédie sans cesse comme il la jouait lui-même. Quand il n’y a point d’humanité dans les lois, et, ce qui est pis, point d’inflexibilité dans l’application des lois, le souverain succombe à sa propre justice ; ce qui n’empêche pas les Russes de nous répéter avec emphase, à tout propos, que la peine de mort est abolie chez eux ; d’où ils nous obligent à conclure, selon eux, que la Russie est de toutes les nations de l’Europe la plus civilisée… juridiquement parlant.

Ces hommes d’apparence comptent pour rien le knout ad libitum et ses cent un coups ! Ils en ont le droit : l’Europe ne les voit pas donner. Ainsi dans ce royaume des façades, des misères ignorées, des cris sans échos, des réclamations sans résultat, la jurisprudence même sera devenue une illusion d’amour-propre, et contribuera pour sa part à l’heureux effet