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civiliser les Boukares et les Kirguises, ose-t-on bien s’imposer la tâche de gouverner le monde ? Bientôt on voudra être non-seulement au niveau, mais au-dessus des autres nations. On voudra, on veut dominer dans les conseils de l’Occident, tout en comptant pour rien les progrès qu’a faits la diplomatie depuis trente ans en Europe.

Elle est devenue sincère : on ne respecte la sincérité que chez les autres, et comme une chose utile à qui n’en use pas.

À Pétersbourg, mentir c’est faire un acte de bon citoyen ; dire la vérité, même sur les choses les plus indifférentes en apparence, c’est conspirer. Vous perdrez la faveur de l’Empereur, si vous avouez qu’il est enrhumé du cerveau, et vos amis, au lieu de vous plaindre, diront : Il faut convenir qu’il a été bien imprudent[1]. Le mensonge, voilà le repos, voilà le bon ordre, l’ami de la constitution ; voilà le vrai pa-

  1. C’est ce qui arrive en ce moment au prince Dolgorouky, auteur de la brochure inoffensive : Notice sur les principales Familles de la Russie. Dans cette brochure, l’écrivain, en faveur duquel proteste le Journal des Débats, vient d’oser imprimer ce que tout le monde sait : c’est que les Romanow, moins nobles que lui, sont montés sur le trône au commencement du xviie siècle, par l’effet d’une élection contestée contre les Troubetzkoï, élus d’abord, et contre les prétentions de plusieurs autres grandes familles. Cet avénement fut agréé, dit-il, moyennant quelques formes libérales