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rances de faits, par des coutumes, par des subalternes.

Or, remarquez que chaque grand seigneur a dans sa sphère étroite les mêmes difficultés à vaincre, avec des tentations auxquelles il lui est plus difficile encore de résister, parce qu’étant moins en vue que l’Empereur, il est moins contrôlé par l’Europe et par son propre pays : il résulte de cet ordre, ou pour parler plus juste, de ce désordre social, solidement fondé, des disparates, des inégalités, des injustices inconnues aux sociétés où la loi seule peut changer les rapports des hommes entre eux.

Il n’est donc pas vrai de dire que la force du despotisme réside dans l’égalité de ses victimes, elle n’est que dans l’ignorance de la liberté, et dans la peur de la tyrannie. Le pouvoir d’un maître absolu est un monstre toujours prêt d’en enfanter un pire : la tyrannie du peuple.

À la vérité l’anarchie démocratique ne peut durer ; tandis que la régularité produite par les abus de l’autocratie perpétue de génération en génération sous l’apparence de la bienfaisance, l’anarchie morale, le pire des maux, et l’obéissance matérielle, le plus dangereux des biens : l’ordre civil qui voile un tel désordre moral est un ordre trompeur.

La discipline militaire appliquée au gouvernement de l’État est encore un puissant moyen d’oppression, et c’est elle qui plus que la fiction de l’égalité fait en