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terme pour désigner les amis qu’elles vont ainsi chercher en l’absence des maris.

Je suis, je vous le répète, très-disposé à douter de tout ce qu’on me raconte en ce genre ; mais je ne puis douter qu’on ne le raconte plaisamment et complaisamment au premier étranger venu ; et l’air de triomphe du conteur signifie : ed anch’io, son pittore ! … et nous aussi, nous sommes civilisés !…

Plus je considère la manière de vivre de ces débauchés de haut parage, et moins je m’explique la position sociale, pour parler le langage du jour, qu’ils conservent ici malgré des écarts qui, dans d’autres pays, leur feraient fermer toutes les portes. J’ignore comment ces mauvais sujets affichés sont vus dans leurs familles, mais j’atteste qu’en public chacun leur fait fête ; leur apparition est le signal de la joie générale, leur présence fait plaisir même aux hommes plus âgés qui ne les imitent pas, sans doute, mais qui les encouragent par leur tolérance. On court au-devant d’eux, c’est à qui leur donnera la main, à qui les plaisantera sur leurs aventures, enfin c’est à qui leur témoignera son admiration à défaut d’estime.

En voyant l’accueil qu’ils reçoivent généralement, je me demande ce qu’il faudrait faire ici pour perdre la considération.

Par une marche contraire à celle des peuples libres, dont les mœurs deviennent toujours plus puritaines,