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Avant de l’abandonner au cours de la folie qui l’entraîne, je veux vous le dépeindre tel qu’il vient de m’apparaître. Voici le spectacle qui m’était préparé dans la cour de l’auberge où l’on me força de descendre pour assister au décampement de la horde des libertins. Cet adieu était une vraie bacchanale.

Figurez-vous une douzaine de jeunes gens déjà plus qu’à moitié ivres, se disputant bruyamment les places de trois calèches, chacune attelée de quatre chevaux : leur chef les écrasait du geste, de la voix et de la mine. Un groupe de curieux, l’aubergiste à leur tête, suivi de tous les valets de la maison et de l’écurie, l’admiraient, l’enviaient et le bafouaient, mais s’ils se moquaient de lui, c’était tout bas et avec une révérence apparente. Lui, cependant, debout dans sa voiture découverte, jouait son rôle avec une gravité qui ne paraissait nullement affectée ; il dominait de la tête tous les groupes, il avait placé entre ses pieds un seau, ou pour mieux dire un grand baquet plein de bouteilles de vin de Champagne frappé de glace. Cette espèce de cave portative était la provision de la route ; il voulait, disait-il, se rafraîchir le gosier, que la poussière du chemin allait dessécher. Près de partir, un de ses adjudants, qu’il appelait le général des bouchons, en avait déjà fait sauter deux ou trois, et le jeune fou prodiguait par flots aux assistants le vin